Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bête tondue, déroulaient sous les arbres un vert profond qui, par places s’allumait de reflets clairs.

Un respect les prit devant cette belle symétrie bourgeoise de la nature ; machinalement, Hayot baissa le ton de sa voix, comme s’il eût pénétré dans une église, et il raconta l’histoire de ses relations avec le banquier. Un homme, tout rond, malgré ses millions, et qui causait aux gens tout comme à des pareils. Le bois n’était pas public d’ailleurs, mais lui, Hayot, avait la permission d’y entrer quand bon lui semblait ; et il finit par donner des détails sur la domesticité du château.

Ils s’arrêtèrent longtemps devant le pont rustique, qui était réputé une des merveilles du pays, et Hubert en détailla les beautés à Germaine avec complaisance, trouvant là matière à phraser. Ils firent une centaine de pas et débouchèrent devant un escalier en grès qui conduisait à un temple antique. Alors ce fut une admiration universelle. Comme il y avait des statues nues jusqu’à la ceinture, dans des niches, aux deux côtés du portique, Hubert expliqua avec des sourires l’habitude qu’on avait de ne pas s’habiller dans les temps reculés.

— On me l’avait dit tout d’même, fit Germaine, dilatant ses yeux.

Et quelqu’un ayant lâché une plaisanterie, tout le monde éclata de rire.

— Chut ! môssieu pourrait être là, dit Hayot avec prudence, en les éloignant.

Et ils reprirent le chemin de la ferme, à petits pas, les garçons pensant aux rondeurs excitantes des marbres.

De retour chez les Hayot, Mathieu tira l’ardennais de l’écurie et l’attela à la voiture. Mais le fermier ne voulut pas les laisser partir sans les régaler d’une dernière bouteille ; son expansion grandissait à mesure que l’heure du départ approchait.