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cherchant sa main ; et elle la lui abandonna, ayant l’air de penser à autre chose.

— C’est comme de la soie ! murmura-t-il au bout d’un instant, en remontant jusqu’aux poignets, qu’il chatouilla.

— On me l’a déjà dit.

Et elle riait, avec de petits frissons de toute sa personne, étant sensible aux chatouilles.

Puis les mains lentement s’emboîtèrent et, côte à côte, balançant leurs bras d’un mouvement enfantin et continu, ils se laissaient aller à des sentimentalités niaises. Elle se rappela avoir ainsi couru les petits sentiers des bois avec Cachaprès, et les yeux demi-clos sur ces souvenirs, elle éprouvait une satisfaction indéfinissable à les tromper tous les deux. Le Hayot arrivait à point pour rompre la régularité de ses amours avec l’autre ; les doigts dont il la caressait mettaient dans sa vie, devenue monotone, une surprise d’infidélité.

— Les v’là ! crièrent tout à coup des voix.

C’étaient le fermier et les garçons qui les attendaient, assis à l’entrée du bois. Des malices faisaient pétiller les yeux du vieux. Il était possédé du désir de marier richement ses enfants et un mariage avec la demoiselle à Hulotte s’ébauchait dans son cerveau, comme une chose profitable et naturelle.

On fit tous ensemble le tour du bosquet, propriété d’un banquier dont la maison de campagne, hérissée de tourelles, s’élevait un peu plus loin. Une couche rougeâtre de brique pilée recouvrait le milieu des allées, qui serpentaient à travers des massifs de verdure, régulièrement taillés, avec des percées en plusieurs endroits, pour ménager la vue sur le château. Une des allées passait sous un pont rustique fait de blocs de pierres entassés, auxquels le lierre avait accroché de lourdes draperies sombres. Des gazons coupés ras et pareils à une peau de