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un peu en arrière. Et à mesure qu’ils approchaient du bois, cette distance s’accroissait. Ils longeaient des champs de blé. Parfois des coquelicots, des bluets, des marguerites criblaient de paillettes éclatantes les nappes d’or pâle noyées dans l’azur diamanté du ciel. Il s’arrêtait, entrait dans les blés, lui cueillait des fleurs. Elle les ajoutait l’une à l’autre, jusqu’au moment où toutes ensemble prirent la grosseur d’un bouquet. Alors elle les porta à ses narines, y plongea largement son visage, en fermant à demi les yeux. Et il continuait à l’accabler de mots caressants, à double entente, sans se compromettre.

Hayot ayant un peu pressé le pas pour mieux les laisser « à leur affaire, » il arriva qu’ils perdirent de vue le groupe au milieu duquel le bonhomme gesticulait. Germaine témoigna une crainte : on ne pourrait plus les joindre ; il la rassura :

— Oh ! je connais le chemin ; nous les aurons vite rattrapés.

Ses lèvres tremblaient ; une hésitation s’était peinte sur sa figure. Mais subitement décidé, il lui toucha le bras du bout des doigts.

— Mademoiselle Germaine, je suis bien heureux.

Elle le regarda, attendant ce qu’il allait dire, un peu émue aussi ; et il souriait, sa tête penchée sur l’épaule.

— Oui, bien heureux d’être seul avec vous. Ne me croyez pas si vous voulez. Mais c’est comme je dis, là, le cœur sur la main.

Sa voix cadencée et lente la charma comme une musique. Elle baissa la tête, sentant un flot tiède lui passer dans les joues, et se mit à lutiner les fleurs de son bouquet, d’un geste vague, qui avait la douceur d’un encouragement.

— Vrai, m’sieu Hubert ?

Il se rapprocha, coula les doigts le long de ses poignets,