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Il fut obligé de répéter sa question, la fille s’immobilisant à les regarder, la bouche béante, avec la stupeur d’une personne qui n’est pas habituée à de nouveaux visages. Alors elle eut l’air de s’éveiller.

— J’vas voir si c’est qu’il est là, dit-elle, pesant sur les mots.

Germaine regarda son frère, étonnée. Hayot ne les attendait donc pas ? La maison était muette. Un peu de ce sommeil qui noyait les campagnes traînait dans le silence du vestibule. Et tous deux attendaient dans la voiture, indécis, n’osant pas descendre, tandis que le petit cheval donnait de furieux coups de pieds au pavé, les naseaux remplis de l’odeur de l’écurie.

Un craquement se fit entendre dans l’escalier. Quelqu’un descendait à pas lourds, s’attardant et toussant. Et Hayot apparut subitement dans la clarté de la porte ouverte embarrassé, souriant.

— Tiens, dit il, mam’zelle Germaine et son frère ! C’est ça qu’est bien une fière idée d’être venus !

Il était en bras de chemise, la tête ébouriffée, des bas aux pieds. Il se rappelait à présent les avoir invités, mais il avait fait cela par manière de politesse, sans penser qu’ils seraient venus. Et d’un mouvement machinal, il attachait les bretelles de son pantalon, répétant sa phrase avec des haussements de tête :

— Une fière idée ! Oui, tout de même.

Mathieu éprouva le besoin de placer un mot :

— Une chaleur ! dit-il.

— Fameuse ! heureusement ! car il y a du grain c’t’année.

— J’vous crois.

Hayot s’habituait doucement. Hulotte d’ailleurs l’avait largement accueilli ; on verrait à faire honneur à ses enfants. Il riait à grands coups à présent, s’étourdissant,