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Hayot secoua la tête.

— Cinq cents, dit-il après un instant.

— Sept cents, reprit Hulotte.

Le compère frappa son poing droit dans la paume de sa main gauche, de toute sa force :

— Nom de Dio ! dit-il, j’veux pas marchander, moi, j’t’en donne cinq cent cinquante.

— Ben, moi non plus, j’marchande pas, nom de Dio ! Ça ne sera pas sept cents, ça ne sera pas six cent soixante-cinq ; ça sera six cent cinquante tout net, J’suis comme ça, moi.

Mais l’autre ne voulait rien mettre au delà de son prix.

— Vrai, Hulotte, en camarade, ça ne vaut pas plus.

Hulotte fit un geste, en homme qui a pris son parti :

— N’en parlons plus. J’garde ma vache. Tu gardes ton argent. Buvons une bouteille.

Ils entrèrent à la cuisine.

La table venait d’être quittée par les domestiques. Des mies de pain traînaient dans les égouttements des verres. Une débandade d’assiettes s’égarait à travers le pêle-mêle des couverts d’étain. Trois chats, hissés sur les chaises, attiraient à eux, du bout de la patte, les morceaux de lard échappés aux fourchettes.

— À not’tour maintenant, fit Hulotte.

Germaine débarrassa la table, mit une nappe blanche raide d’empois et servit un rôti de bœuf superbement doré. Il y avait deux couverts.

— J’vas vous laisser dîner, dit Hayot.

Mais le fermier ne voulait pas : le second couvert avait été mis pour lui ; il ne partirait pas, etc. Hayot regardait la belle viande, eut une convoitise et se mit à table, disant :

— Une bouchée, ça n’est tout de même pas de refus.

Tout le rôti y passa. Et régulièrement, il répétait sa phrase, avec une nuance d’attendrissement :