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soler et ces mensonges à prodiguer. L’imprévu de la scène rompant la régularité de leurs entrevues, elle se sentait reconquise par un élan nouveau, un besoin de lui faire oublier sa défaillance d’amour.

Cela dura quelques semaines.

Puis la lassitude reparut. Elle aurait voulu trouver une occasion de rester plusieurs jours sans le voir. Cette plénitude de passion l’engourdissait comme une monotonie ; ils auraient eu bien plus de plaisir à se revoir après un petit temps de séparation. Et elle chercha un moyen de lui couler cela à l’oreille, en douceur, sans le fâcher. Mais il avait une manière d’aimer les gens différente de la sienne. Il la voulait tout entière et constamment. Il aurait passé ses jours et ses nuits à demeurer près d’elle, à la regarder vivre, à vivre de sa vie ; et cet attachement, pareil à celui des bêtes, lui tenait au corps par toutes les fibres et toutes les moelles.

Aucune ruse ne se mêlait plus à sa folie pour Germaine. Il l’aimait d’un cœur bête, avec une large candeur. Il y eut alors ceci de singulier, c’est que l’astuce qui avait été du côté du garçon au temps des convoitises, passa du côté de la fille, après l’assouvissement. Elle rusa pour être quittée comme il avait rusé pour être accepté.

Un jour qu’elle crut le moment venu, elle lui prit la tête et la serra contre sa gorge, d’une caresse longue comme un bercement.

— Vrai, là, nous sommes trop amoureux, lui dit-elle. On dit que ça ne dure pas, quand ça va trop fort.

Il darda d’en bas un regard courroucé et répondit avec chaleur.

— Dis qu’y-z-en ont menti. Je l’sens ben là.

Elle resta un instant sans répondre, puis reprit :

— Enfin, ça se dit ; moi, je n’sais pas. Mais tout