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maine, faut pas m’dire des choses que j’pourrais pas comprendre. J’ai pas fait mes écoles, moi. Les gens des bois, c’est comme les bêtes qu’y sont dedans. Dis, Germaine, est-ce pas que t’as pas dit ce que t’as dit !…

Il s’embrouillait dans son émotion, ne trouvait plus les mots ; sa voix s’étouffa dans une fureur de baisers, et Germaine eut, à le voir aplati et docile devant elle, une fierté de dompteur posant son pied sur un fauve.

Elle se laissa attirer par ses mains tremblantes jusque près de lui ; et souriant, la face noyée dans une mollesse, il lui dit :

— Tu peux m’battre maintenant. J’me revancherai pas. J’ai plus de force. J’suis comme l’petit qui vient de venir à s’mère.

Elle le scrutait, curieuse et ravie.

— Tu dis ça pour m’faire accroire ?

— Ben, non, vrai ! J’suis pas un artiss, moi, j’joue pas la comédie…

C’est égal. Elle lui gardait rancune pour son mot de tout à l’heure ; et comme il feignait de ne pas s’en souvenir, elle le lui répéta. Mais il l’enroula dans ses bras et l’embrassa follement, tournant la chose en plaisanterie. Et elle sentit son dépit s’en aller à travers l’étourdissement des baisers.

Puis d’autres idées l’occupèrent.

Elle jouissait d’être éveillée au milieu du lourd sommeil des campagnes. Le silence l’impressionnant, un peu de frayeur se mêlait à la douceur de ses pensées. Jamais elle ne s’était trouvée dans l’horreur adorable des minuits ; et tout un coin de son être s’éveillait à d’inexprimables sensations.

Le frisson qui remuait le taillis venait mourir sur sa peau, comme l’haleine d’une bouche froide. Elle écoutait