Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Hulotte tomber de haut sur elle, comme un maillet. Que pourrait-elle répondre ?

Un bruit sourd, continu, lui arrivait à travers l’épaisseur des murs : c’était le mâchonnement des vaches broyant leurs herbages. Cette placidité lui fit envie : elle aurait voulu être, comme les vaches, couchée dans la litière des étables ; les bêtes, ça ne pense pas. Brusquement, une toux qui partait de la chambre du fermier la fit se dresser en sursaut. S’il l’épiait ! Elle se ploya, s’enfonça dans l’ombre.

Une main toucha la sienne. Cachaprès était debout devant elle.

— Viens, dit-il.

Une large joie éclatait sur sa face.

Elle fit de la tête un signe négatif, et tout en disant non, elle se laissait entraîner. Il avait passé son bras autour de sa taille et la soulevait à demi. Ils traversèrent le verger.

Il l’emportait comme un trésor et comme une proie. Une torpeur l’avait prise, elle se laissait faire. Ce couple s’enfonça dans le bois.

Là elle se débattit.

— Lâche-moi, cria-t-elle.

Et comme il retirait son bras, elle se jeta à terre, avec une explosion de larmes. Elle frappait le sol à coups de tête, se lamentant, et ces mots revenaient constamment à travers son désespoir :

— J’suis perdue ! Qui me rendra l’honneur ?

Lui, haussait les épaules, peu sensible à cette chose. Les mains dans ses poches, il se dandinait sur ses jambes. Il aurait voulu la consoler, cherchait des phrases. À la fin, il se pencha et lui dit :

— Est-ce que j’suis pas là, après tout ?

Elle eut un fier dédain.

— Toi ?