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flux de paroles, continua à parler, lui raconta l’histoire de la Cougnole. Son mari était mort il y a deux ans. Il avait servi longtemps à la ferme. C’était un brave homme, un peu simple, et qui passait pour n’avoir pas grand’chose à dire chez lui. La Cougnole n’était pas une méchante créature, du reste. Mais elle avait fait tout de même des métiers drôles. Et elle souriait en le regardant du coin de l’œil. Il hochait la tête pour dire oui, machinalement, pensant à autre chose.

Elle reprit :

— Après tout, ce n’est pas not’affaire. Elle a fait ce qu’elle a fait. Ce n’est pas une raison pour la laisser sans rien, la pauv’femme. Et comme ça, quand elle n’a pas son mal, elle vient à la ferme, on lui donne, et quand elle a son mal, c’est facile à voir, elle vient pas, et alors, c’est moi qui viens.

Il ne répondit pas. Ce silence la troubla extraordinairement. Elle voulut parler encore, pour parler et n’avoir pas l’air de remarquer sa préoccupation, mais elle s’embrouillait dans ses paroles, et elle finit par répéter plusieurs fois la même chose. À savoir qu’il ne fallait pas dédaigner les vieilles gens.

Ils approchaient de la maison de Cougnole.

— Attends-moi ici, lui dit-elle. Le temps de vider mon panier.

Et elle allongea le pas, le laissant debout sur la route. Il la vit pousser la porte et pénétrer dans la maison. De l’endroit où il était, il distinguait dans l’enfoncement sombre de la chambre un grand corps de femme qui se remuait. Il lui parut même que cette femme lui faisait avec la main le signe d’approcher. Mais, comme il n’en était pas sûr, il mit la main sur ses yeux pour mieux voir.

La femme s’était campée au seuil, et nettement cette