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Cachaprès eut un sourire.

— Viens, dit-il, j’te montrerai ma fausse barbe. Des fois, j’mets un masque à cause des gardes. Faut avoir de la prudence. Puis j’me fais tout petit, comme ça, et je passe dans le taillis comme un lapin. Et des fois, faut voir, on s’met une peau de chevreuil sur l’dos : on a l’air d’une bête. C’est drôle.

La curiosité la tenait. Le garçon lui apparaissait sous un jour nouveau, avec des adresses subtiles qui le grandissaient et mettaient au-dessus de lui comme une surprise d’inconnu. Et cet homme terrible, qui avait tant de stratagèmes pour échapper aux gardes, était là, devant elle, avec son humilité d’homme amoureux !

— Vrai, dit elle, t’as une barbe ?

Elle réfléchissait à présent. Si elle avait pu se faire libre, elle serait partie immédiatement. Mais il eût fallu des prétextes, et elle n’en trouvait pas.

Il y avait un moyen, peut-être.

Elle dirait à la ferme qu’elle allait faire visite à la Cougnole. Cette femme était vieille et vivait misérablement. La fermière l’avait aidée, de son vivant, et le fermier continuait à lui passer de petits secours. Elle habitait à une demi-heure environ de la ferme.

Elle se décida.

— Écoute, dit-elle très vite, je serai chez Cougnole dans deux heures. Tu m’attendras sur le chemin.

Un bâillement sortit d’une botte de paille, à quelques pas d’eux ; et presque aussitôt des sabots cognèrent le pavé, dans la cour. La maison se réveillait.

Elle lui retira sa main et se laissa glisser à bas de la charrette.

— Dans deux heures, tope ! fit Cachaprès en se coulant derrière une haie.