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avec des ruades de poulain lâché, sans tenir compte de la mesure. Par moments, un danseur, furieux, les rembarrait d’un coup d’épaule. Une vapeur montait des habits et formait au-dessus du bal une buée, grossie des fumées de tabac. Des filets de sueur sillonnaient les visages.

Germaine sentit une main se couler sous son aisselle. Elle se retourna vivement et vit le commis qui lui souriait. Alors, sans se l’être demandé, ils se balancèrent, et, au bout d’un instant, se trouvèrent emportés dans la danse.

Ce fut comme une contagion. Zoé fut empoignée à bras-le-corps par un des meuniers, Célina par l’autre, puis des cavaliers se présentèrent aux demoiselles Izard, et toute la bande se mit à danser.

Le commis était un grand garçon maigre, desséché par la noce. Tandis que les deux frères traversaient la bousculade des danseurs, s’aidant de leurs coudes et de leurs larges dos, lui se laissait entraîner, ne savait pas résister à la poussée des couples ; et tous deux alors étaient obligés de piétiner sur place, l’un en face de l’autre.

Cela finit par une déroute. Le commis, qui soufflait, à court d’haleine, avoua qu’il lui était impossible de continuer, et il reconduisit Germaine à sa place. Elle eut un haussement d’épaules, dédaignant d’instinct les êtres faibles.

En ce moment, du renfort envahit la salle. La Société des fanfares de l’endroit, son chef en tête, venait d’entrer. L’orchestre entama un air de valse. Il y eut un reflux général, comme d’un trop plein qui déborde, et Germaine se vit séparée du commis. Des visages rouges l’entouraient, crispés de larges rires. Et tout d’un coup, elle haussa les sourcils, prise d’un saisissement. Cachaprès était à deux pas d’elle.

D’un coup-d’œil, elle le vit tout entier, dominant cette