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vu de suite au mouvement de ses lèvres. Sapristi ! j’aurais voulu être là et entendre ce que le ministre te disait. Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Tu ne le sais pas ? Non, ça se comprend. Ni moi non plus. Cependant j’ai bien écouté, mais quand tu es venu, on a applaudi si fort qu’on n’entendait plus même la grosse caisse ! C’est vrai, ça, je n’ai pas entendu la grosse caisse.

— Maman ! maman ! cria tout à coup Jean.

Elle était à la fenêtre, dans son grand fauteuil, et les regardait venir en agitant doucement la main. Et à côté d’elle, madame Lamy penchait la moitié de son par dessus l’appui, ses mains croisées l’une dans l’autre en signe d’admiration.

Il se précipita dans la chambre, hors d’haleine, ses livres au bout de ses bras tendus, toute sa joie lui montant aux lèvres en un cri :

— Trois prix !

— Oui, trois prix ! disait M. Muller qui venait derrière.

Madame Bril, dans son saisissement, tremblait comme une feuille, et elle caressait de ses longues mains blanches la tête de son enfant, avec des tendresses lentes qui ne finissaient pas.

Jean passa tout le temps de ses vacances auprès de sa mère, ne sortant que le dimanche avec les Lamy et M. Muller. Elle avait beau lui dire :

— Pourquoi ne sors-tu pas, Jean ? M. Muller viendra ce soir. Il est si bon, M. Muller ! Vous irez au bois ensemble.

Il répondait qu’il ne voulait pas, qu’il préférait rester auprès d’elle, qu’il serait bien sage et qu’il ne ferait pas de bruit. Il se mettait alors à ses pieds, sur un petit tabouret, et pendant des heures, lisait à demi-voix dans les livres, car il lisait déjà couram-