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pourriez bien, mon garçon… Qu’est-ce que vous en dites, Thérèse ?

— Allez toujours, Lamy.

— Oui. Le petit ne va pas à l’école, que je me suis dit. Ça coûte cher, l’école, le papier, l’encre, les plumes, les tartines à midi, et la voisine travaille chaque jour un peu moins, à cause de ses mains qui se font vieilles. Eh bien, le petit ira à l’école. Ah bien oui ! qu’il ira, car il faut à présent que les enfants apprennent à lire et à écrire, afin de savoir ce qu’on fait d’eux quand ils sont des hommes. C’est notre malheur, à nous, les vieux, de ne pas avoir appris ce que les jeunes savent à présent. Mais voilà, le petit n’a que des loques sur la peau, et sa mère les a déjà tant recousues qu’il n’en restera bientôt plus rien. Qu’en pensez-vous, Thérèse ?

— Ce que vous en pensez vous-même, Lamy.

— Il faudra d’abord — ce sera dur, Thérèse, je le sais bien, — oui, il faudra d’abord l’habiller, et puis les plumes, les cahiers, les livres… Hum ! Qu’est-ce que vous en pensez, femme ?

— Je pense, Lamy, que c’est nous qui payerons cela.

Le bon M. Lamy s’interrompit un instant, et tout à coup se frappant le front, il s’écria :

— Tenez, Thérèse, je fais tout de même de fameuses dépenses : je fume tous les jours pour deux sous de tabac ! C’est-il permis, lorsqu’il y a tant de gens que ces deux sous rendraient contents ? Eh bien ! femme, je ne fumerai plus que pour un sou.

— Ah ! mon homme, s’écria alors madame Lamy, nous ferons comme c’est votre idée. Madame Bril me donne tous les mois, pour faire son ménage, un franc. La pauvre chère femme ! Mais, le mois prochain, quand elle me le donnera, je lui dirai : Non, madame Bril,