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— N’oublie pas l’heure de la classe, mon chéri.

Et un peu avant neuf heures, Jean prenait son ardoise, ses cahiers, ses plumes, et s’en allait à l’école en récitant à mi-voix sa leçon, après que madame Bril lui eut fait cette recommandation :

— Ferme bien la porte, mon chéri, et pense à ta maman.

Or c’était M. Lamy qui l’avait fait entrer à l’école, car M. Lamy l’aimait beaucoup, et il avait eu un jour cette conversation avec sa femme :

— Thérèse, voilà que le petit de la voisine va sur ses six ans, et il est temps de l’envoyer chez le maître d’école. J’ai une idée.

— Et quoi, mon homme ?

— Ah ! c’est que, Thérèse, ça m’embarrasse un peu. Je ne sais pas comment vous prendrez mon idée. On a déjà tant de soucis, et ma bonne Thérèse a bien de la peine à joindre les deux bouts !

— Oui, Lamy, c’est vrai, et il me manque six francs pour compléter le loyer.

— Bon, dit M. Lamy, n’en parlons plus.

— Dites toujours, Lamy, nous verrons après.

— Vous ne vous fâcherez pas, Thérèse ?

— Oh ! Lamy, est-ce que je me fâche jamais contre mon homme ?

— Eh bien, voilà. Je me suis dit : Lamy, vous n’avez pas d’enfants, vous n’en aurez jamais, mais ce n’est pas une raison pour ne pas aimer ceux des autres. C’est bien vrai qu’on pioche dur. Avec ça qu’on est au monde pour vivre de l’air du temps, et qu’il n’y en a pas qui piochent plus dur que moi ! Mais il ne s’agit pas de cela. Il y a, Thérèse, que je me suis dit : Lamy, puisque vous n’avez pas d’enfants et qu’on voit par le monde des enfants sans père, le petit Jean Bril, par exemple, vous