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des chandelles, les enfants des pauvres gens, le nez roupilleux et un doigt dans la bouche, regardaient, sans rien dire et tour à tour, les brimborions de l’étalage et les marchandes qui à pleines joues soufflaient sur leurs petits réchauds de terre d’où s’envolait une nuée d’étincelles.

Par moments, Fleur-de-Blé entendait un claquement de porte dans la rue, et tantôt un voisin quittait sa maison pour se rendre au cabaret, tantôt une voisine, en sabots et le cabas à la main, trottinait du côté des parapluies après avoir eu soin de faire le tour de clé ; et d’autres fois, elle n’entendait plus que des lambeaux de voix traînant dans le soir.

Mais la neige amortissait tous ces bruits et les faisait paraître doux comme du velours.

— Je vois bien encore, disait-elle, la vieille Lisbeth qui balaye la neige devant sa porte, et elle a mis près d’elle un seau d’escarbilles pour les jeter sur le trottoir après qu’elle l’aura balayé. Je vois aussi M. Onuzel, le pâtissier, qui se promène les mains dans les poches en fumant sa belle pipe de porcelaine, et il regarde de loin les bonshommes que papa a faits ce matin. Mais je suis bien contente de n’avoir pas vu saint Nicolas, et je vais rentrer dans mon lit.

Papa Jans recoucha Fleur-de-Blé et l’embrassa en lui disant :

— Dors bien, ma Fleur. Ton papa fera la maison bien belle pour recevoir saint Nicolas, et on étendra sous la cheminée le beau tapis rouge à fleurs noires qu’on met à la fenêtre entre deux bougies quand passe M. le curé avec la procession.

Et grand’maman Jans dit :

— Comment est-il possible, Jésus mon Dieu ! de ne pas aimer une enfant qui se laisse mettre au lit sans