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Deux fois depuis que la grande horloge à gaîne de la boutique avait sonné sept heures, bonne-maman Jans avait ouvert les courtines du lit en appelant Fleur-de-Blé, et l’enfant ne s’était pas éveillée.

Elle entendait à chaque instant carillonner la sonnette que Jans avait attachée à la porte de la boutique et que le chaland faisait tinteler quand il entrait. Or, il venait beaucoup de monde ce soir-là chez les Jans, car ils avaient, en sucre et en pâte, les plus beaux bonshommes de la ville.

Et chaque fois que sonnait la sonnette, bonne-maman Jans se demandait :

— Est-ce pour un homme de six sous ou pour un homme d’un franc ? Ceux d’un franc ont des cheveux de sucre blanc et des joues de sucre rose, et ceux de six sous sont en pâte unie. Hans aurait dû faire aussi des hommes à deux francs, parce qu’il y aura toujours des gens qui voudront payer deux francs quand leur voisin n’en paye qu’un.

Et madame Jans servait au comptoir, regardant de côté les gamins qui, le nez rouge et les mains dans les poches, se renouvelaient toujours à la vitrine, devant les grands hommes de pâte, tandis que Jans disait dans le fournil :

— Allons, les garçons ! Hardi à la pâte ! Je m’en vais bientôt faire l’homme de Fleur.

Et, par la fenêtre de la petite chambre de derrière, madame Jans voyait Hans, les bras nus, en veste blanche et pantalon blanc, qui allait et venait, à la lueur des flammes, à côté des garçons penchés sur le pétrin.

Jans prit la plus grande de ses formes, y étendit le beurre, coula avec précaution la pâte, puis vivement plongea la forme dans le four.