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ser la tête, et regardait Riekje qui allait et venait en mettant la main sur son ventre et en se lamentant. Puis ses gémissements grandirent et madame Puzzel lui donna de petites tapes sur la joue en disant :

— Du courage, Riekje. Vous n’avez pas idée de la joie qu’on éprouve à entendre crier son petit enfant pour la première fois. C’est comme de la crème à la vanille qu’on mangerait en paradis, en écoutant de la bonne musique de violon.

Tobias, ayant appuyé au mur le grand coffre de bois qui servait de couchette, alla prendre deux matelas de varech à son propre lit, et tandis qu’il les étendait sur le coffre, une saine odeur de marée se répandait dans l’air. Nelle, ensuite, recouvrit les matelas de beaux draps de grosse toile qu’elle tapota longuement du plat de la main pour en effacer les plis, de manière à rendre le lit doux comme une couette de Hollande. Et vers minuit, madame Puzzel replia son tricot, posa ses lunettes sur la table et croisa ses bras en regardant le feu, puis elle se mit à préparer les langes, renfonça d’un coup de poing les oreillers, regarda l’heure à la grosse montre d’argent qu’elle portait sous sa jaquette. Et enfin elle bâilla six fois de suite et s’endormit d’un œil, en tenant l’autre ouvert.

Mais Riekje tordait à présent ses mains et criait :

— Mame Puzzel ! Mame Puzzel !

— Mame Puzzel ne peut rien pour vous, Riekje, répondait la grosse femme. Il faut attendre.

Au dedans, la bouilloire sifflait sur le feu : au dehors l’eau du fleuve clapotait contre le bateau. Des voix se mouraient au loin sur la rive et l’on entendait des portes se fermer.

— Il est minuit, disait Tobias, ce sont les gens qui sortent de l’estaminet.