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Alors Dolf pressa une dernière fois Riekje dans ses bras, et on l’entendit monter l’échelle en courant ; puis son pas fit danser la planche qui joignait le bateau à la rive.

— Il est déjà loin, dit Tobias.


III


Comme un grand oiseau, la nuit est étendue sur la ville ; mais il a neigé les jours précédents, et à travers les bonnes ténèbres, Dolf aperçoit la face pâle de la terre, pâle comme celle des trépassés. Il court le long du fleuve, à toutes jambes, comme quelqu’un qui, perdu sur les plages, écoute gronder derrière ses talons la mer rapide sans que, toutefois, le bruit que font ses sabots en retombant sur le sol, soit aussi pressé que les battements de son cœur dans sa poitrine. Au loin, dans le brouillard, les réverbères ressemblent à la procession des porteurs de cierges dans les enterrements : il ne sait comment cette idée lui est venue ; et elle lui fait peur, parce que derrière il voit la mort, encore une fois. Maintenant il heurte des formes silencieuses, marchant avec mystère, d’un pas diligent.

— Sans doute on les a appelés en hâte et ils se rendent au chevet des moribonds, pense-t-il.

Puis il se souvient que c’est la coutume en Flandres de mettre cette nuit-là dans la cheminée, à la place du foin, des carottes et des navets qu’y ont déposés les petits pour servir de nourriture à l’âne de saint Nicolas, des poupées, des chevaux de bois, des harmonicas, des violons ou simplement de grands