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— Et qui ne verrait pas clair dans le cœur d’une femme amoureuse de son mari, Riekje ? reprit la vieille Nelle.

En même temps elle ouvrit le couvercle du poêle et bourra le pot, ce qui parut faire plaisir au petit creuset, car il se mit à pétiller comme les fusées qu’on avait tirées la veille sur la place du Marché à l’occasion de la nomination du nouveau bourgmestre. Nelle moucha ensuite les chandelles avec ses doigts, après avoir humecté ceux-ci de salive, et la flamme qui vacillait depuis quelques instants au bout de la mèche charbonneuse se redressa tout à coup joyeusement, éclairant la petite chambre d’une belle lumière tranquille.

Petite, la chambre l’était, à la vérité, figurant assez bien, à cause de son plafond de bois recourbé et de ses cloisons de planches, pareilles à des douves, la moitié d’un grand tonneau qu’on aurait coupé en deux. Une couche de goudron, luisante et brune, couvrait partout la paroi, et par places, avait noirci comme de l’ébène, principalement au dessus du poêle. Une table et deux chaises, un coffre qui servait de lit, et près du coffre, une caisse de bois blanc, avec deux planches en guise de rayon, formaient tout l’ameublement ; et la caisse contenait du linge, des bonnets, des mouchoirs, des jupes de femmes, des vestes d’hommes, pleins d’une odeur de poisson. Dans un coin, des filets pendaient pêle-mêle avec des cabans de toile goudronnée, des vareuses, des bottes, des chapeaux de cuir bouilli et d’énormes gants de peau de mouton. Des chapelets d’oignons s’enguirlandaient autour d’une image de la Vierge et une vingtaine de beaux saurets aux ventres cuivrés étaient enfilés par les ouïes à un cordon, sous un cartel émaillé.

Voilà ce que les deux chandelles éclairaient de leur