Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» — Clotilde ! je vois bien que votre cœur n’est pas ferme.

» — Si ! si ! dit Clotilde, il est ferme jusqu’à la mort pour ceux qu’il aime. Mais c’est ma tête qui n’est pas ferme. Devant Dieu, Élisabeth, mon cœur n’a jamais trahi.

» — Ah ! je le sens, s’écria Lisbeth, c’est la route la plus dure que tu as prise, toi, la plus faible. Mais Dieu voit dans les cœurs. Adieu, Clotilde. N’oublions jamais que nous sommes deux sœurs.

» — Et toi, tu es pour moi sur la terre comme l’image de ma mère. Laisse-moi te demander, comme je l’aurais fait à notre mère, ta bénédiction. Elle me protégera. Et qui sait ? J’en ai peut-être plus besoin que si j’étais déjà moribonde dans mon lit.

» Ah ! Stéphane, mon cœur était déchiré, car je comprenais ce qu’il y avait sous ces paroles. Je ne sais quoi me disait que des morceaux de ce pauvre cœur ce qu’il restait encore pour la faire vivre se briserait bientôt, et que tout serait fini d’elle. Qui peut expliquer ces choses-là ?

» Alors elles se dirent adieu ; l’une et l’autre évitaient de parler du lendemain ; elles s’embrassèrent comme si elles ne devaient plus se revoir.

» Et quand Lisbeth fut partie, Clotilde se jeta dans mes bras et me dit en sanglotant :

» — Ah ! Thérèse, il en est peut-être mieux ainsi ! Est-ce que je puis répondre de moi ? Je suis une malheureuse.

» Et comme son cœur battait violemment, elle ajouta :

» — Les joies et les peines ne sont plus qu’une même chose pour mon cœur : elles le mettent en pièces.