Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Elle s’attendait si peu à me voir qu’elle me demanda s’il était arrivé quelque chose. Je tremblais, mon cœur battait, j’avais envie de lui sauter aux yeux et en même temps de l’embrasser. Alors nous causâmes pendant une heure de toute sorte de choses, excepté de celle pour laquelle j’étais venue. Elle me regardait avec un peu d’inquiétude et me dit enfin :

» — Il me semble, Thérèse, que vous deviez me parler de quelque chose.

» — Oui, Lisbeth, répondis-je en faisant un effort, de Clotilde.

» Elle se leva toute droite et dit :

» — C’est inutile.

» Je me levai à mon tour et lui dis froidement :

» — Oui, de Clotilde. Elle m’a écrit. Voici sa lettre.

» — C’est inutile, répliqua-t-elle avec force.

» Alors, Stéphane, je perdis un peu la tête. Je sentais que j’allais me mettre en colère, et en même temps j’avais peur de Lisbeth. Je ne l’avais jamais vue dans une telle agitation : elle était blanche comme ses manchettes et sa figure était entièrement contractée.

» — Vous la lirez, Lisbeth, lui dis-je ; et je lui présentai la lettre.

» — Je ne veux pas la lire. Cette femme n’est pas ma sœur et je ne la connais pas.

» — Eh bien, si c’est comme cela, m’écriai-je, vous l’écouterez, malgré vous, car je vais vous la lire, moi, nom d’un petit bonhomme ! Et je me mis à lire la lettre si haut qu’on aurait pu m’entendre de la rue, mais je pensais bien à cela dans ce moment. Lisbeth parut tout à coup se calmer et me dit quand j’eus fini :

» — C’est bien, Thérèse. Vous avez fait ce qu’on vous demandait. Mais je ne veux pas. Que tout soit dit !

— Non, tout n’est pas dit, Lisbeth. Une sœur ne