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Là-dessus, sans en dire davantage, elle me serra à m’étouffer, et je m’en allai.


V


J’ai su depuis par ma tante les fautes et les malheurs de cette pauvre femme.

« — Stéphane, me dit un soir cette excellente personne, plus vieille alors de dix ans, je ne vous ai jamais montré la lettre de cette pauvre Clotilde qui vient de mourir. Je ne vous l’ai pas montrée, parce que vous êtes seulement à l’âge où ces choses-là peuvent être montrées. Prenez cette cassette, sur la deuxième planche, à côté de la caisse à l’argenterie, et apportez-la moi. Bien. Maintenant jetez une pelletée de charbon sur le feu et mettez-vous ensuite près de moi. Voici la lettre : vous pouvez la lire.

« Ma tante me passa un vieux morceau de papier jauni par le temps, et je lus ces mots d’une grosse écriture raboteuse et tourmentée :

« Ma chère Thérèse, vous souvenez-vous encore de moi ? Moi, je vous aime comme au premier jour. Je suis comme une morte ici, toute seule dans ce Paris que j’ai aimé et que je n’aime plus, et je n’ai plus la force de vivre. Le cœur me danse dans la poitrine. Vous verrez que ça me jouera un tour. Il y a bientôt huit ans que j’ai cessé d’avoir des nouvelles d’Élisabeth. Je ne veux pas mourir sans la revoir. Oh ! Thérèse, faites que je la voie, mais chez vous, car je n’oserais jamais chez elle, je ne sais pourquoi. Oh ! ma chère Thérèse, je traverserais le feu pour être au-