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Elle darda sur moi un regard pointu et m’examinant avec défiance :

— Qui vous a dit, Stéphane, que c’est Clotilde qui m’écrit ?

— Mais vous-même, tantôt.

— L’ai-je dit ? Eh bien, oui, c’est Clotilde, Clotilde Dubois. Je vous demande un peu : elle m’écrit à moi de lui faire voir sa sœur. Des choses impossibles ! J’en suis tout à fait malade.

J’aurais bien voulu m’enquérir pourquoi il était impossible de faire voir la grande madame Dubois à sa sœur Clotilde ; mais je n’osais pas, soupçonnant là dessous un mystère qui m’irritait délicieusement et aussi me remplissait du trouble secret de la femme.

Maintenant elle semblait se reprendre vis-à-vis de moi à une plus grande circonspection. Après le déjeuner de midi, elle se jeta dans son fauteuil, étendit un mouchoir sur ses yeux afin de faire en paix sa sieste, étira ses jambes devant le feu. Mais elle ne parvint pas à trouver le sommeil ; et tout à coup lançant le mouchoir au loin, elle se redressa, poussa deux gros soupirs et me dit :

— Stéphane, votre tante aime certainement ce qui est bon, mais elle préférerait se priver de thé et de brioche pendant une semaine plutôt que de se charger d’une commission semblable.

Chaque fois qu’elle passait devant la lettre, ouverte à présent sur l’armoire, elle la prenait, la relisait, sans sauter un mot, croyant toujours que quelque chose lui avait échappé d’abord.

— Ah ! les femmes ! les femmes ! disait-elle entre ses dents, c’est si plein de secrets !

J’aurais donné bien des choses pour connaître le contenu de cette fatale missive ; oui, ma curiosité