Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme un tambour, pendant que la neige fouettait la vitre ; on entendait par moments dans la rue sourde tinter les grelots d’une voiture passant au loin ou la sonnette de la verdurière d’en face, avec son petit carillon qui n’en finissait pas ; puis le canari, réveillé par le bruit des assiettes, se mettait à rossignoler à tue-tête. Et dans l’escalier montait le bruit du moulin à café que tournait l’une ou l’autre des demoiselles Hoftje, car c’était l’heure de leur souper.

Alors ma bonne tante ouvrait à demi la porte, reniflait un instant l’odeur du palier, puis rentrait, disant :

— Pouah ! c’est tout chicorée ! Qu’est-ce qu’elles ont à boire de la chicorée comme ça ? Il y a de quoi s’empoisonner.

Je n’oublierai pas Poussette, la grande chatte, ni Castor, le petit épagneul : non, je ne puis pas les oublier.

Poussette grimpait sur l’épaule de ma tante et s’y roulait en boule, regardant aller et venir sa main et allongeant par moments la griffe pour accrocher au passage un morceau de brioche. Castor, de son côté, sautait autour de la table, dressé sur ses jambes de derrière et le bout de sa langue rose entre ses dents, ou bien se posait sur son séant en jappant et remuant ses petites pattes à manchettes blanches, comme un lapin à cymbales. Oh ! ils auront leur part : ma tante leur donnera un peu de brioche émiettée dans du lait, et Castor, par-dessus le marché, lappera le thé qui a coulé dans les soucoupes. Saute, Castor ! Et après avoir éternué une dizaine de fois, Castor prendra son élan et happera finalement le quartier de sucre auquel il a droit tous les soirs.

À dix heures, madame Dubois se levait en disant :

— Je me retire, Thérèse. C’est mon heure.