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diriez-vous ? Je ne sais plus à cause de quoi il était resté trois jours sous la table, mais il y resta vraiment trois jours. Hi ! Hi ! Ha ! Ha !

Ma Tante. — Taisez-vous, Sisy, et prenez un peu de fromage. Vos histoires n’ont pas le sens commun.

Madame Peulleke. — Est-ce que j’aurais dit quelque chose de mal ? Je croyais pourtant savoir cette histoire. (Avec éclat.) Voyez un peu si cet homme était mort de faim !

Madame Spring, à ma tante. — Merci ; j’ai encore du thé. Passez-moi la marmelade. Vous faites bien la pêche, Thérèse. N’est-ce pas, Élisabeth, que Thérèse fait bien la pêche ?

Madame Dubois. — Tout à fait bien.

Madame Spring. — Un peu plus cuite, cependant… Moi j’aime la marmelade très cuite. M. Spring, lui ne l’aime pas du tout. C’est caprice, pur caprice, car il y a dix ans, il en mangeait. Non, vous ne savez pas quel homme c’est ! Je finirai par en mourir.

Madame Peulleke. — Mourir, ma bonne Cadie ! Ne parlez plus jamais de mourir. Ah ! vous me fendez le cœur avec votre mourir.

Et ainsi de suite. J’écoutais de mes deux oreilles, sans perdre une bouchée. Madame Spring, tout en poussant des soupirs, dépeçait ses brioches avec un appétit véritable, et elle en absorbait beaucoup. Quand elle prenait de la marmelade au fond du pot, elle serrait les coins de sa mince bouche, la lèvre humide et brillante. Malgré ses chagrins et sa maigreur, il n’y avait pas de femme qui aimât plus qu’elle les douceurs et les petits plats fins. Elle suçait sa brioche avec gourmandise, trempant les morceaux dans la tasse et se coulant pendant les pauses d’énormes cuillerées de confiture. Elle n’était jamais sans grignoter quelque chose, bien