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Je me souviendrai toute ma vie de cette bonne dame et du respect que me causaient sa longue mine triste et ses vêtements noirs. Grande, mince, très droite, elle avait la figure de la couleur des cierges, sans rides, mais creusée aux joues, l’œil clair et froid, la bouche pâle, le nez pointu, des cheveux gris proprement lissés sur le front. Je ne me rappelle pas avoir vu ses dents une seule fois, parce qu’elle ne riait jamais, mais elle avait parfois un sourire si doux et si triste que malgré ses enfants morts, on sentait bien qu’elle était toujours une mère. Sévère pour elle-même, elle n’aimait ni la table ni la causerie, parlait peu, avec des gestes lents et tranquilles, ses mains très belles étendues à plat sur la table, devant elle. Longues et fines, aux ongles bien taillés, couleur fleur de pêcher, ces mains résumaient ses dernières coquetteries de femme. Toujours vêtue de noir, sans bijoux ni dentelles, sa robe à corsage plat tombait à plis droits derrière elle, comme une jupe de béguine. Telle était cette simple et honnête personne, plus tolérante pour les autres que pour elle-même.

Madame Dubois, en entrant, donnait la main à madame Spring et à madame Peulleke, déposait soigneusement son châle, son chapeau et ses gants en un coin, puis, sans rien dire, se mettait près du feu, entre ses amies. C’étaient les seules qu’elle vit encore, et probablement elle prenait plaisir à les voir, malgré sa désaffection de tout.


III


Quand toutes quatre étaient ainsi réunies, ma tante