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— Pour des riens, Thérèse ! Vous nommez cela des riens ! Ah ! je ne suis pas comprise. Non, personne ne m’a comprise. Et ma servante, vous savez bien, Toinette, celle que j’ai depuis deux jours, ne m’a-t-elle pas lavé à l’eau de javelle un jupon blanc ce matin ? Ah ! des riens ! C’est un jupon au diable, Thérèse !

— Une belle affaire, vraiment ! un jupon ! Pourquoi avez-vous changé de servante ? Voilà la sixième en deux mois.

— Oui, Thérèse, c’est la sixième. Ah ! si j’avais gardé Catherine, celle avant Toinette ! Mais je n’ai pas de chance. Je l’ai mise à la porte.

On sonnait de nouveau à la porte de la rue et je reconnaissais madame Peulleke, car il n’y avait que madame Peulleke pour sonner les deux coups aussi vite l’un après l’autre. Je descendais aussitôt l’escalier pour lui ouvrir, pendant que ma bonne tante, qui me suivait avec la lampe, disait à madame Spring :

— Allons, cessez vos giries. C’est cette grosse sotte de Sisy.

Une petite boule de femme, grasse et gauche, avec des boucles blondes en travers des yeux, roulait alors jusqu’au pied de l’escalier, dans ses galoches qui faisaient pfou pfou, et riant de tout son cœur, d’une voix pâteuse s’écriait :

— Bonjour, Stéphane. Ma chère Thérèse, bonjour. Hi ! Hi ! Ha ! Ha ! Elle était très potelée, madame Peulleke, tellement potelée qu’on ne lui voyait plus bien ni le nez, ni la bouche, ni le menton, ni les joues ; mais on se doutait que chaque chose était à sa place, à cause d’une multitude de fossettes qui lui donnaient l’air d’une grosse miche de pain boursouflée. Elle apparaissait invariablement emmitouflée de fourrures, portait sous sa