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une porte, vitrée de carreaux bleus, oranges et rouge feu, dans des meneaux en losanges, avec un losange tout à fait pourpre dans le milieu et plus grand que les autres, ouvrait sur une petite cour dallée que suivait immédiatement le jardin, un bon vieux jardin entre quatre murs, dont le chemin, pommelé en été de sable jaune, tournait en rond autour d’une pelouse, bordant d’un côté des parcs de résédas, de pensées, de pétunias, de reines marguerites et de giroflées.

Tous les mercredis, la pelouse était couverte de jupons, de chemisettes, de bas, de guimpes, de mouchoirs de poche et de chemises étendues à plat, les bras éployés, car c’était le jour où les deux vieilles demoiselles Hoftje faisaient leur lessive. Ces demoiselles Hoftje habitaient le bas de la maison et elles y avaient toujours vécu sans se marier, allant du jardin à la cuisine et de la cuisine à la rue.

Or, ce jour-là, on les voyait, en cornettes bien tirées à la nuque, leurs cheveux en papillotes passant devant et derrière, caler dès le matin les trépieds sous le toit vitré qui abritait la petite cour ; puis elles posaient les cuvettes sur les trépieds et y fourraient le linge qu’ensuite elles frottaient de toutes leurs forces, le long de leurs petits bras écharnés sans dire un mot, en faisant écumer la lessive et gonflant leurs maigres joues jaunes pour souffler la buée qui leur montait à la figure.

Elles causaient très peu avec le monde, ne disaient ni bonjour ni bonsoir, regardaient seulement le bout du soulier ou le bas de la robe des gens qui leur parlaient et tout le jour trottinaient sur leurs vieilles pantoufles qui faisaient klis-klis-klis en glissant.

Mais le dimanche, c’était autre chose : elles tiraient alors du bahut de grands chapeaux de paille à nœuds jaunes ou de peluche à rubans de soie noire, des man-