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mère ? Non, c’est la joie de son cœur, et une jeunesse nouvelle semble avoir recommencé pour elle, avec cette heure qui lui apporte des souhaits et des baisers. La bouche des petits enfants fait reverdir les vieilles grand’mères. Et elle admire les gâteaux, les bouquets, et frappe ses mains l’une dans l’autre.

— Vraiment, c’est aujourd’hui sainte Catherine ! dit-elle. Je n’y pensais pas.

Elle ne s’aperçoit pas que son beau bonnet à rubans et à dentelles la trahit. Pourquoi vous être faite si belle, grand’mère ? Et tous les objets de la chambre semblent en contemplation devant sa robe à ramages.

Puis la table est mise, on saute les plats pour arriver plus vite aux gâteaux. Des lettres en sucre courent le long des frangipanes et des crèmes et toutes ces lettres réunies forment des souhaits : Vive sainte Catherine ! De la cave sortent alors de vieilles bouteilles couvertes de toiles d’araignées et les verres se remplissent d’un vin couleur d’or qui semble refléter la joie des yeux. La grand’mère élève bien haut le sien et remercie les grands et les petits pour cet heureux jour. Personne en ce moment ne demeure indifférent, et tandis que chacun la regarde, la lumière de la lampe fait autour d’elle comme une auréole qui doucement va s’éteindre dans l’ombre.

Ainsi en est-il de sa mémoire, car tout cela n’est plus qu’une vision lointaine ; mais chaque année ramène la Sainte-Catherine et quelquefois, il neige encore, comme au temps passé. J’entends alors par la chambre l’écho de son pan pan et je crois que je vais la voir apparaître, s’appuyant sur son bâton et toussant parmi les dentelles de son bonnet, Hélas ! ce n’est qu’une grosse branche que le vent cogne contre mes vitres ; mais le petit enfant d’autrefois en a un à son tour et ils vont