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arrivaient, comme par enchantement, des bouquets et des gâteaux. Tic tac, faisait l’horloge de la cuisine ; mais on eût entendu plus aisément encore le tic tac que faisait le cœur des deux petits enfants. Qu’elles étaient longues, les heures ! Jusqu’à midi, ce n’était rien encore : on attendait, on patientait, et puis le pâtissier était en retard quelque-fois ; mais l’après-midi ne semblait jamais devoir finir. C’étaient alors des colères contre la maudite horloge ! Les deux enfants étaient bien petits ; même en montant sur une chaise, ils n’auraient pu atteindre au cadran ; sinon, de leurs petits doigts rouges, ils auraient certainement avancé l’aiguille. À la fin pourtant, celle-ci semblait se décider à marcher un peu plus vite, le tic tac devenait plus fréquent, et quand la nuit tombait enfin, on n’aurait pu dire lequel battait le plus irrégulièrement, ou du pendule de l’horloge ou du cœur des deux enfants. Pour moi, je crois bien que c’était le cœur des enfants.

Sans qu’on pût savoir comment, le feu se trouvait allumé dans la grande chambre comme aux après-midi de dimanche, et la grand’mère venait s’installer auprès, dans son fauteuil de velours rouge, usé à la place où elle posait ses bras. Puis le soir tombait, la servante fermait les volets, et la clarté des lampes constellait l’ombre intérieure. Bien des fois la sonnette de la porte avait tinté dans la journée et des gens étaient entrés, cachant des choses dans de grands papiers ou des corbeilles. Quelles choses ? Les enfants le savaient bien, mais c’était un secret qu’ils n’auraient divulgué pour rien au monde. On découvrait les corbeilles, on enlevait les papiers, et quatre petites mains frappaient l’une dans l’autre, tandis que les yeux luisaient et que la grand’mère, enfermée dans sa chambre, toussait de toutes ses forces pour ne pas avoir l’air d’entendre.