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Ainsi chassé, il s’en va, de rue en rue, jouant à la porte des maisons et devant les boutiques, mais l’archet glisse à peine sur les cordes, car les crins en sont gelés.

Où passera-t-il la nuit ? Au fond d’une cour sombre, sous un hangar, une charrette de paille est remisée. Il pénètre doucement dans le hangar et soulève la paille pour se glisser dessous. Un chien sort en ce moment de sa niche et fait entendre des aboiements furieux. Il revient sur ses pas et se dirige vers cette maison où la charité, la grâce et la douceur lui sont apparues sous les traits de Leentje ! Voici, en effet, la belle maison blanche avec sa grande porte peinte en chêne sur laquelle les poignées de bronze imitent des têtes de lions, et un peu au-dessus, dans le panneau de gauche, une superbe plaque de cuivre reluisante étale le nom de CAPPELLE et Cie, gravé en grosses lettres. Il regarde les fenêtres partout closes, et il y en a trois au premier étage qui sont éclairées.

Qui donc est encore éveillé dans la maison ? Les sons d’un piano, comme une musique de paradis, s’échappent par les fentes des volets, et bientôt une petite voix d’or s’élève dans le silence de la nuit. Cette voix lui rappelle le murmure avec lequel sa mère le berçait, les chants des petits enfants de la montagne, le vent dans les arbres, mille choses tendres et lointaines. Puis la voix cesse, mais il l’entend longtemps encore, comme un chant de Noël, au fond de son cœur.

Des portes s’ouvrent dans la rue et il en sort des ombres qui marchent rapidement ; quelques-unes balancent à la main de petites lanternes qui rougissent la neige, car les réverbères de la ville sont éteints. Toutes ces petites lanternes se dirigent du même côté, là où la cloche sonne pour la messe de minuit. La