Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la maison, au lieu de prendre attention à des coureurs de rue.

— Je suis pourtant bien sage, père. Je sais tous les jours ma leçon et j’ai eu hier encore trois bons points pour mon écriture.

— Oui, ma chérie, mais tu es pendue tout le jour à ma poche. Un sou est un sou, et dix sous font un franc, et un franc avec d’autres francs font au bout de l’année un joli intérêt. Crois-tu qu’on nous donnerait comme cela des sous à la porte des maisons si nous étions pauvres ?

Ici Jean crut devoir intervenir, et crachant encore une fois derrière sa main, dans le corridor, il s’écria :

— Ah bien, non, Leentje, qu’on ne nous les donnerait pas. Un si bon monsieur et qui, tous les ans donne cent francs aux pauvres ! Ah bien, non, et pour ma part, monsieur Cappelle, je vous dirais : Allez-vous-en ; nous avons bien assez déjà de nos pauvres, auxquels nous payons cent francs par an. Est-ce que je mendie, moi ? Je suis domestique chez monsieur Cappelle et je travaille. Eh bien, travaillez aussi. Voilà ce que je dirais.

M. Cappelle haussa les épaules, et poussant du doigt Leentje vers la porte :

— Allons, fillette, dit-il, va avec Jean. Voici la fin de l’année et j’ai à revoir mes livres de compte.

Ils descendirent et brusquement Jean se mit à crier de toute la force de ses poumons :

— Hé ! Là-bas ! Hé ! Mendiant ! Garnement ! Propre à rien !

L’archet cessa de faire grincer les cordes du violon et un jeune garçon se leva de la marche en pierre sur laquelle il était assis, dans l’encoignure d’une porte. Alors Jean prit un air majestueux et la main ten-