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— Jean ! attendez un peu, cria en ce moment une joyeuse voix de petite fille.

Et Hélène, que tout le monde appelait Leentje dans la maison, entra en sautillant dans le bureau de son père. Oh ! la jolie enfant ! Elle avait dix ans, les joues roses, les cheveux blonds, les yeux bruns, et sa grande tresse serrée dans des nœuds de soie bleue battait son dos, comme une gerbe d’épis tressés.

— Père, supplia-t-elle, un petit sou pour le joueur de violon qui est devant la porte de la maison. Jean ira le lui porter.

Mais M. Cappelle lui répondit avec humeur :

— Qu’as-tu à t’occuper de cet affreux petit drôle ? J’en ai assez de sa manivelle.

— Ah ! père, il est si gentil, fit l’enfant en joignant les mains, très doucement, et il joue si bien ; il n’a peut-être plus de père, car enfin… Est-ce que tu me laisserais aller jouer du violon aux portes des maisons, père ?

— Leentje, voilà une sotte question… Qu’y a-t-il de commun entre nous et les pauvres gens ? Tu es la fille de Jacob Cappelle, de la maison Cappelle et Cie.

— La plus riche maison de la ville, Leentje, dit Jean en crachant derrière sa main, dans le corridor.

— Eh bien, père… Tiens ! je voulais te dire quelque chose de très raisonnable et voilà que j’ai oublié… Attends. Ah ! je sais maintenant… Je ne voudrais jamais que ma poupée manquât de rien tant que je serai vivante, et pourtant je ne suis que sa maman. Voyons, un petit sou, s’il te plaît, papa, ou je le prends sur l’argent de mes économies.

— Tiens, voilà le sou, Leentje, mais c’est le dernier qu’aura ce petit mendiant. À votre âge, mademoiselle, j’étais déjà plus sérieux : je m’occupais des intérêts de