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Une odeur de friture sortit de la maison des Snip quand Claes Nikker poussa la porte pour entrer.

C’était une odeur qui faisait plaisir au cœur ; une grosse fumée montait du poêle jusqu’aux poutres du plafond ; et quelque chose chantait sur le feu.

— Ah ! ah ! kermesse à boudins ! cria Nikker en entrant. Allons ! la bonne fête de Noël à tout le monde !

Puis, apercevant Piet qui demeurait dans un coin, sans souffler mot, les yeux fixés sur Truitje, il lui dit :

— Oui, Piet, bonne fête il tout le monde !

Et tout le monde criait :

— Kermesse à boudins ! kermesse à boudins !

La nappe était mise, une grande nappe à carreaux bleus et blancs, pareille aux serviettes à raser de Lukas Snip, et sur la table les assiettes en étain brillaient, claires comme la lune.

Noël ! Noël !

Les boudins sifflèrent dans le beurre de la poêle ; puis on les porta à table sur un grand plat, dans une sauce épaisse où dégorgeaient leurs entrailles ; et il y en avait de bruns et de blancs.

Comme la pointe des fourchettes cogne le fond des assiettes ! Du blanc ! du noir ! Qui en veut ? Et la bière coule des pots en moussant dans le ventre rond des demi-litres qui se frangent d’écume. La bonne femme de Snip court du poêle à la table, fait sauter les boudins dans la sauce et les sert fumants dans un tourbillon de chaude vapeur.

Après les boudins, ce fut le tour des pieds et des oreilles ; jamais cochon ne fut à pareille fête. Le feu dardait ses langues crochues à travers le gril, et la chair rôtissait tendrement, tandis que le sang tombait goutte à goutte dans les charbons, parmi les éclairs bleus et