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balançait au-dessus de sa porte, à une tringle rouillée.

Quand un client entrait pour se faire raser, il s’asseyait devant la fenêtre, les jambes étendues, en rejetant sa tête en arrière. La vieille maman Snip s’approchait alors, la mine riante, et lui nouait derrière le cou une serviette à carreaux bleus et blancs, pendant que Piet Snip le fils faisait mousser le savon dans le plat à barbe ou passait le rasoir sur le cuir qu’il tendait de toute force, un bout dans ses dents et l’autre bout dans sa main.

Lorsque le savon avait bien écumé, Piet introduisait le menton de la pratique dans l’échancrure du plat et du revers de ses doigts, savonnait le cou et les joues, à tour de bras, jusqu’aux yeux. Puis le père Lukas piquait son aiguille dans le drap, passait une demi-douzaine de fois son rasoir sur le plat de sa main pour qu’il n’y restât pas de morfil, et ayant placé sur l’épaule de la pratique un coussinet en serge afin d’y frotter son rasoir, il commençait l’opération.

Lukas avait la main légère. Il écorchait bien un peu par moments la peau du client, mais personne ne s’en plaignait. Tandis que sa main droite promenait en tous sens le rasoir, il levait de sa main gauche le nez des bonnes gens entre son pouce et son index, le bras arrondi et le petit doigt tout raide.

D’autres fois, ses grands ciseaux dans les doigts, il taillait les cheveux des gens de la paroisse. Le peigne entrait par la nuque et sortait par le front, suivi de près par les grands ciseaux qui s’ouvraient et se fermaient en faisant klis klis. En un instant la nuque était dégagée et les cheveux dessinaient dans le cou la forme d’une écuelle, tout aussi bien que si Lukas s’était servi d’une assiette pour les couper. Puis les ciseaux remontaient du côté des oreilles et l’on voyait