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— Est-il possible d’avoir le cœur dur comme ce méchant homme, pensait-elle. Il ne songe qu’à faire de la peine aux pauvres gens.

Claes Nikker, lui, continuait à rire, en homme content de soi. Alors un grand chagrin s’empara de Truitje ; il lui sembla voir le pauvre Piet sur le chemin poussant de grands soupirs et regardant de loin la maison dans l’espoir que sa « bonne amie » paraîtrait sur le seuil de la porte. Elle prit le coin de son tablier dans sa main droite, le porta à ses yeux et se mit à pleurer à chaudes larmes.

— Truitje, dit Nikker, depuis quand les filles pleurent-elles après les garçons ? Il n’y a qu’aujourd’hui que de pareilles choses se voient, mais aussi ce n’est qu’aujourd’hui que les filles ont la tête si légère et qu’elles songent à quitter leurs parents avant l’âge.

— Oncle ! oncle ! cria Truitje derrière son tablier, vous n’avez jamais bien agi envers le pauvre garçon.

— Petite sotte, dit Nikker en cessant de rire, je ne pouvais pas agir autrement. Il faut que les parents soient d’accord avant de permettre à leurs enfants d’échanger des paroles. Dites, Truitje, est-ce que le papa Snip en a jamais causé à l’oncle Nikker ?

Ayant ainsi parlé, Claes Nikker se mit à siffler une chanson et il ne s’interrompit de siffler que pour allumer sa petite pipe noire, puis il rentra à l’atelier, et Truitje entendit son pan pan. Elle s’assit alors pour manger quelques pommes de terre, mais elle eut beau vouloir pousser du bout de sa fourchette une pomme de terre tout entière entre ses jolies dents blanches, elle ne put jamais en manger qu’un morceau.

Elle la laissa retomber sur l’assiette et pensa en elle-même :

— Piet n’est pas malin. Il aurait fallu, en effet, que