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un grand service, Damien, et il nous avança de l’argent, car il était l’aise en ce temps. Il est vrai que nous lui avons souvent prêté, depuis, de l’argent et qu’il ne nous l’a jamais rendu.

— Il serait pardi ! fort en peine s’il devait y songer, fit Damien Taubert en s’esclaffant de rire, car il n’a plus sou qui vaille. Mais ce n’est pas une raison pour oublier le bien qu’il nous a fait.

— Pauvre Gertrude Flamart ! Pauvre Monique !

— Notre garçon, femme, est en âge de conduire un moulin et je ne suis pas encore trop vieux pour conduire le nôtre. Taubert n’a pas peur d’un sac à mettre en place, et, bien qu’il commence à se ressentir des rhumatismes, il monte ses vannes au cran qu’il faut comme par le passé. J’ai pensé que Flamart céderait peut-être bien son moulin à notre gars.

— Et moi, Damien, j’ai pensé plus d’une fois que Monique serait une bonne meunière. Sa mère l’a habituée de bonne heure à faire le ménage, et elle ne rechigne pas à l’ouvrage. Elle tient le linge en ordre, aide Gertrude à battre le beurre, trait la vache et connaît la valeur de l’argent.

Alors Damien de nouveau regarda sa bonne femme, et celle-ci le regarda aussi, et ils virent bien qu’ils avaient la même idée.

— Taisons-nous, dit le meunier, car voici notre garçon qui rentre.

Et Donat, ayant secoué sur le seuil la neige qui collait à ses souliers, salua son père et sa mère, rendit compte de son voyage et s’assit près du feu, le front lourd.

— Comment leur parlerai-je de ce que j’ai sur le cœur ? se demandait-il.