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Son père l’a chargé de conduire de la farine au village voisin et il est parti avec la charrette, dans l’après-midi, marchant d’un grand pas allègre et faisant pétarader son fouet.

Les frimas vêtaient les montagnes d’une chape scintillante et Donat chantait la chanson de Sainte-Catherine. De légères nuées roses flottaient comme des écharpes dénouées dans les fonds violets du ciel : il faisait un temps doux qui fondait la neige au milieu du chemin, lentement. Et tantôt Donat marchait à côté de son cheval, tantôt il s’asseyait parmi les sacs de farine pour se bercer au mouvement des roues.

Mais quand Donat revient, après avoir déchargé sa marchandise, il laisse aller le bidet et ne lui chatouille plus l’oreille de la mèche de son fouet.

Monique ! Monique ! que lui a-t-on dit dans le village où il est allé ? Son père veut la contraindre à épouser le meunier Chicord qui la demande en mariage, malgré ses soixante ans bien sonnés. Monique, la rose fleur de la vallée, épouser Chicord, ce petit vieux à la tête de singe, dont la peau est crevassée comme une morille sèche et qui a une barbe à râper du sucre dessus !

Donat se souvient alors de ce que Monique lui a dit le matin. S’en souvient-il bien ? Il cherche dans sa mémoire, mais la tête lui danse sur les épaules, et il la prend à deux mains en sanglotant.

À la fin il se rappelle.

Oui, c’est bien à cet affreux mariage qu’elle a fait allusion avec tant de mystère, sans se risquer à un aveu complet. Mais elle, Monique, sa Monique, acceptera-t-elle ce pacte honteux ? Il la revoit, souriante et douce, près de lui, et il remarque à présent ce qu’il n’a pas vu le matin. Monique a pleuré : elle a les yeux rouges. Quel moyen d’empêcher ce mariage, car Monique est sa mieux