Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

preinte de leurs épaisses semelles étoilées de clous ronds.

Ah ! ah ! il revint bon train, Donat, car il entendait de loin le bruit de la chute d’eau sur la roue, et la roue ronflait comme une bienheureuse.

Le gros cheval brun grattait la terre de son sabot ; il était attelé depuis dix minutes, mais le domestique n’osait partir sans avoir reçu les derniers ordres. Et une autre charrette venait d’arriver, chargée de sacs qu’on ne savait où remiser.

De ce côté aussi, les valets trôlaient dans la cour, sans faire avancer la besogne. Il n’y avait que la vieille Martine qui ne perdit pas son temps, et Donat la vit passer deux fois, la première fois pour donner le grain à ses poules, la seconde fois pour apporter la « caboulée » à ses cochons. Et, un peu après, elle repassa encore, ses deux seaux dans les mains, pour aller traire les vaches. Les poules trottaient à ses trousses, avec les oies, les pintades et les dindons ; et les canards poussaient derrière elle leurs gros ventres ronds en ouvrant leurs longs becs, comme des ciseaux. Une nuée de pigeons s’abattit alors sur le grain que les poules avaient laissé dans la neige et ils picoraient à petits coups, la queue debout, en montrant leurs culottes fourrées. La cheminée fumait au haut du toit, car c’était le moment où la bouilloire chante sur le poêle pour le café, et une bonne odeur montait dans l’air.

Donat prit un sac sur son dos et le monta au grenier : et les hommes ayant fait comme lui, la charrette se trouva bientôt débarrassée. Puis il donna lui-même deux grands coups de fouet, et le cheval brun partit en faisant sonner ses grelots. Il entra ensuite au moulin, par les ouvertures duquel une fine poussière blanche se volatilisait, et de la porte il cria au vieux farinier : « Bonne fête de Sainte-Catherine ! »