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— Mais ce n’est pas moi, monsieur Muller, c’est…

— Oh ! oh ! du vin chaud ! C’est tout à fait comme dans le grand monde, madame Lamy.

Et M. Muller avala une gorgée de vin si rapidement qu’il en eut pour cinq minutes à tousser. Et tout en toussant, il disait :

— Goûte ça, Jean, c’est déli… hem ! J’ai avalé de travers — … délicieux. Ça vous a un arôme ! Madame Lamy est de première force. Hou ! hou ! Je crois que j’ai avalé le bâton de cannelle.

En ce moment, M. Lamy, qui n’avait pas l’habitude du vin chaud, se mit à tousser aussi, la bouche toute ronde ouverte et les yeux hors de tête ; mais il ne se contenta pas de tousser : il voulut expliquer pourquoi il toussait. Et alors il manqua positivement d’étrangler.

M. Muller avait une petite toux de gosier saccadée, sur un fond de basse qui semblait dialoguer avec la toux de M. Lamy, laquelle était une toux de fausset, avec des tonalités qui dépassaient les hauteurs les plus vertigineuses de la vocalise. Ils sautaient tous les deux sur leurs chaises et s’accrochaient de toutes leurs forces à la table, comme pour ne pas s’envoler, et ce fut une chose amusante de les voir faire des hem ! hem ! des hum ! hum ! et des hou ! hou ! longtemps encore après qu’ils eurent cessé de tousser.

Et madame Lamy allait de l’un à l’autre, leur tapant dans le dos du plat de la main et disant :

— Attendez… attendez. C’est pour vous punir de n’avoir pas vu tout de suite que c’était du vin chaud.

À dix heures, Jean s’assoupit, heureux comme un petit prince de sucre, en pensant à toutes les bonnes choses que M. Muller et madame Lamy lui avaient fait manger.