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man Ravigote que je suis content… Tu reprendras les nappes et les assiettes demain matin.

Puis on se mit à table, Jean à un bout, dans le fauteuil, près du feu, M. Muller à l’autre bout, du côté de la porte, et entre les bouts, M. et madame Lamy.

Madame Lamy servait les plats au fur et à mesure, M. Muller passait les portions, et quand on avait fini un service, madame Lamy en posait un autre sur la table et changeait les assiettes. On sentait dans la chambre une bonne odeur d’oignons, de choux, de saucisses et de sauces brunies, et une épaisse fumée flottait comme un brouillard.

Ah ! c’est que M. Muller avait bien fait les choses, en effet ! Il était allé la veille chez la mère Ravigote, l’air guilleret, comme un revenant qui voudrait se remettre à bien vivre.

Et la vieille femme, en le voyant, avait claqué ses mains en l’air et lui avait dit :

— Qui est-ce qui nous revient là ? Comment, c’est vous, monsieur Muller ! Comme vous êtes changé ! Vous avez donc été malade ? Tenez, pas plus tard qu’hier, je parlais de vous à mon mari et je lui disais : « Ce pauvre monsieur Muller, qu’est-ce qui lui serait bien arrivé ? Une si vieille pratique ! et une si bonne pratique surtout, qui n’est jamais en retard de payer et qui aime tant ma soupe à l’oignon ! » Voilà ce que je disais, monsieur Muller.

— Eh bien, oui, me voilà, mère Ravigote. On a été un peu dérangé, c’est vrai. À présent il n’y paraît plus. Dites donc, j’ai demain un grand dîner chez moi.

— Ah ! ah ! un dîner de famille, comme qui dirait ?

— Justement, et il me faudrait quelque chose de bon, pour quatre personnes, quelque chose de soigné, vous savez bien.