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table, la chambre époussetée et le poêle tout rouge, elle frappa ses mains l’une dans l’autre et s’écria :

— Jésus God ! qui aurait jamais cru cela ?

Et M. Lamy se sentait un peu gêné, ne sachant trop comment se tenir, ni où mettre sa casquette, et se frottait les mains au feu pour faire quelque chose.

M. Muller riait de joie et répétait :

— Eh bien… eh bien… qu’est-ce que vous en dites ?

À deux heures et quelques minutes, on entendit un pas dans l’escalier et quelqu’un frappa à la porte. M. Muller prit un air majestueux, se doutant parfaitement qui c’était, et il alla ouvrir. Une petite fille, le nez rouge à cause du froid, entra, tenant à deux mains un porte-manger presque aussi grand qu’elle.

— Bien, la petite, dit M. Muller, nous allons te débarrasser. Madame Lamy, voulez-vous m’aider ?

Il prit une à une les marmites de fer-blanc dans lesquelles mitonnait le dîner et les passa à madame Lamy. Celle-ci versait ensuite les mets dans les plats, puis posait les plats sur le feu, sous des assiettes qui servaient de couvercle. Et cela dura un bon demi-quart d’heure, car il y avait quatre services, sans compter la soupe et le dessert.

Madame Lamy à chaque marmite disait :

— Est-il possible ! Encore !

Et Lamy disait de son côté :

— Monsieur Muller, c’est trop… Oui, vous faites les choses trop grandement.

Jean riait, pensant en lui-même :

— Est-ce qu’il y aurait d’autres hommes sur la terre aussi bons que M. Muller ?

Quand toutes les marmites furent vidées, M. Muller donna libéralement trois sous à la petite fille en disant :

— C’est bien… C’est très bien… Tu diras à ma-