Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa tasse de café, allumait sa pipe et allait en passant dire bonjour à Jean.

Et un peu après, on entendait madame Lamy grimper lestement l’escalier ; elle arrivait avec son petit cabas, en tirait une orange, la dépeçait et en donnait les quartiers à Jean, après avoir râpé un peu de sucre dessus.

L’après-dînée se passait ainsi, Jean suçant de temps à autre un morceau d’orange et sommeillant, madame Lamy tricotant, tassant du charbon sur le feu, chauffant le bouillon, et se levant cinquante fois de son fauteuil pour trotter à droite et à gauche dans la chambre, sans bruit.

À quatre heures, M. Muller rentrait, ôtait ses bottes pour ne pas éveiller Jean et demandait à madame Lamy ce qui s’était passé durant son absence. Puis, M. Muller tirait de son armoire une cafetière avec son ramponeau, jetait dans le ramponeau deux grosses pincées de café en poudre et versait l’eau bouillante, debout, la main à la bouilloire, écoutant grésiller l’eau à travers les trouets du ramponeau, pendant dix minutes, montre en main. Car M. Muller, qui avait la prétention de faire un café comme on n’en fait pas aux Mille Colonnes ni ailleurs, mettait exactement dix minutes à passer l’eau, ni plus ni moins ; et, en vérité, M. et madame Lamy ont toujours trouvé son café délicieux.

Pendant qu’il demeurait ainsi devant le feu, surveillant la coction, madame Lamy étalait la nappe sur la table puis les assiettes, le beurre et le pain.

Enfin, à sept heures et demie, M. Lamy entrait : on s’asseyait, on causait bas et l’on soupait de café et de tartines.

— Est-ce que vous avez dîné aujourd’hui ? demandait Lamy à M. Muller.