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l’aiguille qui reluit et le dé à coudre qu’elle ôtera de temps à autre pour mouiller son doigt.

Et ces choses occupaient beaucoup M. Muller, pendant le peu de temps qu’il passait chez lui.

Depuis bientôt un an, il avait pris l’habitude de se lever à six heures : il s’habillait, buvait un verre d’eau claire en cassant dedans une tranche de pain, ce qui était son déjeuner, et allait chercher Jean pour le conduire à l’école. Puis, comme il était toujours un peu en retard, il se mettait à courir, sautillant d’une jambe et marchant de l’autre, si bien qu’il arrivait au pensionnat soufflant et rauque, la sueur dans le dos et les cheveux plaqués au-dessus des oreilles, car il n’y avait vraiment que là qu’il en eût encore. Il sonnait un petit coup, s’enfonçait dans le creux de la porte pour ne pas être aperçu de l’étage, et aussitôt qu’on avait ouvert, se faufilait très vite du côté de sa classe, par crainte de M. le directeur.

Mais celui-ci, petit homme ventru et chauve, dont le nez se décorait d’une majestueuse paire de lunettes d’or, sortait régulièrement du vestiaire au moment où M. Muller y accrochait son parapluie, et lui disait, sans le saluer, seulement ces mots :

— Neuf heures un quart, monsieur. La classe est à neuf heures.

Et cela s’était répété si souvent que M. Muller, qui faisait ce qu’il pouvait pour être à l’heure et n’y parvenait pas, eût préféré recevoir tous les matins sur la nuque un coup de bâton. Il ne répondait rien, haussait un peu les épaules en ouvrant les bras comme pour dire : « Que voulez-vous ? c’est plus fort que moi, » et allait relever le surveillant, qui le remplaçait depuis un quart d’heure.

Il montait alors dans la petite chaire de bois dressée