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moire, la tête dans ses poings, et Jean dormait, appuyé contre le lit. De temps à autre, une secousse agitait son corps, et il se débattait comme dans le délire. Alors M. Muller se levait, s’approchait anxieusement, restait debout à le regarder en hochant la tête et en soupirant, et ne se rasseyait que lorsque Jean s’était calmé.

À onze heures et demie un coup de sonnette retentit dans l’escalier ; un peu après, un pas pesant fit craquer le palier, et l’on cogna à la porte.

— C’est bien ici ? fit une voix derrière la porte.

— Oui, monsieur le vicaire, répondit une voix douce qui était celle de mademoiselle Chandelle.

M. Lamy ayant ouvert, M. le vicaire entra. C’était un homme corpulent, très large d’épaules, les pieds et les mains énormes, les oreilles rouges, avec des yeux blancs en saillie, la tête pointue. M. le vicaire ôta son tricorne, le mit sur la table, et alla droit au lit après avoir incliné la tête du côté de M. Lamy ; puis il tira son bréviaire, lut les prières des morts, debout, sans regarder la morte, fit le signe de la croix sur le lit, mit son livre en poche, prit son tricorne sous le bras et s’en alla en soufflant dans ses joues, pour montrer qu’il ne sentait pas bon dans la chambre.

Et par la porte demeurée entre-close, on aperçut sur le palier mademoiselle Chandelle à genoux qui priait tout haut : elle se leva pour laisser passer M. le vicaire, le corps plié en deux et ses petites mains croisées sur la poitrine. Puis, voyant que ni M. Lamy ni madame Lamy ne lui faisaient la conduite, elle leur lança de son œil doux un mauvais regard et accompagna le prêtre jusqu’en bas, humblement.

À midi, madame Lamy mit sur la table, chez elle, un peu de soupe à l’oignon, des pommes de terre et de