Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Jean, j’ai fait un peu de bouillon pour vous, dit-elle.

Mais il ne répondit pas et elle reprit :

— Jean, prenez un peu de bouillon, pour l’amour de Dieu. Vous en avez besoin.

Il tourna les yeux de son côté, fit signe que non et tout à coup aperçut M. Muller qui pleurait derrière la porte. Alors il courut à lui, et ils se tinrent embrassés comme deux frères.

Cela dura bien un quart d’heure, au bout duquel M. Lamy, qui mordait son foulard pour ne pas faire de bruit en pleurant, dit à M. Muller :

— Est-ce que vous n’allez pas venir, monsieur Muller ?

En même temps il le prit par le bras et l’entraîna.

M. Muller était tout défait, très rouge, le gilet mouillé de larmes, et ses yeux, qui pleuraient d’eux-mêmes, n’y voyaient plus.

— C’est un parent, pensa une femme qui montait l’escalier. Madame Bril ne laisse pourtant pas un sou.

Ils allèrent à l’église.

Un petit vicaire vif et gai arriva, faisant claquer sa soutane dans ses jambes, son tricorne sous le bras, souriant et pressé.

— Monsieur le vicaire, dit M. Lamy, c’est pour une digne femme morte cette nuit.

— N’est-ce pas une madame Bril ?

— Oui, monsieur le vicaire.

— À quelle classe enterre-t-on ?

— Oh ! monsieur le vicaire, le plus simplement possible. Il y a un fils. Nous sommes des amis. C’est nous qui payerons.

— Très bien. J’ai une messe. Allez voir M. le curé.

M. le curé était chez lui, mais il fallut attendre, le digne ecclésiastique ayant en ce moment la visite de