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ayant ouï dire que quelqu’un était mort, demandaient des nouvelles à une quatrième en hochant la tête, les yeux au ciel, avec compassion.

Et cette quatrième femme était la locataire d’en bas, une petite vieille jaune, à l’œil doux, qui croisait toujours ses mains sur sa poitrine et parlait à demi-voix, mielleusement, une vraie petite femme d’église.

— Pauvre femme ! disait l’une des commères. Ainsi donc, vous dites qu’elle n’a pas été administrée ?

— Non, et M. le vicaire a dit qu’il ne viendrait pas. Vous comprenez bien que c’est d’un mauvais exemple de mourir comme ça, sans les secours de la religion. C’est à madame Kalf que M. le vicaire a dit qu’il ne viendrait pas, vous savez bien, madame Kalf qui habite au second. Je pense que M. le vicaire serait venu tout de même, si j’y étais allée moi-même, mais on a demandé à madame Kalf d’y aller, et alors ça ne me regardait plus.

M. Lamy avait très bien entendu ce que venait de dire la vieille petite mademoiselle Chandelle, et quand il passa près d’elle, il lui coula à l’oreille :

— J’irai, moi : soyez tranquille.

Mademoiselle Chandelle fut un peu effrayée d’en avoir tant dit, ne sachant pas que M. Lamy était là, et elle se répétait à elle-même ses paroles, pour savoir si elle ne s’était pas trop avancée. Quand elle le vit disparaître dans l’escalier, elle reprit son aplomb et dit aux trois autres :

— Mon Dieu ! que va-t-il se passer ? C’est un homme si violent, ce monsieur Lamy ! Il bat sa femme.

Et toutes trois répétèrent en croisant leurs mains :

— Est-il possible, Jésus Dieu ! Il bat sa femme !

Bien qu’il y en eût deux parmi elles à qui cela arrivait assez souvent.