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courut à la porte, appela : Monsieur Lamy ! Monsieur Lamy ! puis revint s’abattre comme une masse sur sa mère, qu’il étreignit à deux bras.

M. et madame Lamy arrivèrent l’instant d’après avec de la lumière et virent Jean à plat sur le lit, s’arrachant les cheveux machinalement, et répétant : « Maman ! maman ! » d’une voix sans nom.

Madame Lamy tomba à genoux près du chevet, croisa ses mains sous la couverture et se mit à prier, pendant que M. Lamy levait ses bras vers le ciel.

— Jean, dit tout à coup M. Lamy, en lui posant doucement la main sur l’épaule, elle te regarde.

Jean leva la tête, vit en effet trembler comme une suprême tendresse dans les yeux qui avaient l’air de le regarder et ensuite tout d’une fois, s’aplatit sur le plancher.

M. Lamy courut chercher du vinaigre. Restée seule, madame Lamy, se levant droite, toucha du bout des doigts les yeux de madame Bril et les ferma.

Jean n’avait plus de mère.

Les Lamy passèrent toute la nuit dans la triste chambre. Ils avaient enseveli madame Bril dans le meilleur de leurs draps de lit, et, ayant approché une table du lit, y avaient allumé une bougie de chaque côté d’un crucifix.

Jean, malgré leurs supplications, avait voulu veiller sa mère avec eux, et il restait là, au chevet, sur ses genoux, le front dans les mains, tremblant des pieds à la tête, avec de grandes secousses dans la poitrine, comme quelqu’un qui ne peut plus pleurer.

Les bougies faisaient vaciller leurs clartés sur la face blanche de la morte, l’allongeant et la rétrécissant comme si elle eût encore vécu. Et l’ombre tremblait autour d’elle, comme de l’eau où l’on a jeté une pierre.