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mère, croyant qu’elle dormait déjà ; et en effet, comme il lui effleurait la joue, elle demeura sans mouvement.

Il avait fait très chaud ce jour-là, et bien que la fenêtre vînt seulement d’être fermée, l’air manquait dans la chambre. Madame Bril était étendue sur son lit, les bras le long du corps et la tête un peu penchée sur l’épaule, dans sa jaquette blanche.

Jean crut s’apercevoir que sa respiration était plus forte qu’à l’ordinaire, et par moments semblait sortir de la gorge en sifflant. Il s’assit près d’elle, un coude sur le lit, et la regarda, vaguement inquiet, à la clarté de la nuit bleue.

Chez les Lamy la pendule sonnait l’heure et il entendit M. Lamy qui ôtait ses bottes. Il se leva sans bruit et alla du côté de la fenêtre, parce qu’une grosse mouche bourdonnait contre le carreau et qu’elle aurait pu éveiller sa mère. Il prit la mouche, ouvrit doucement la fenêtre, la mit dehors et revint près du lit.

Alors il remarqua quelque chose qu’il n’avait pas encore vu : le petit jour de la nuit éclairait le visage de madame Bril et ses pauvres mains maigres. Elle avait les yeux grands ouverts et regardait devant elle, fixement, ayant le côté droit de la bouche remonté vers la joue.

Jean sentit un grand coup au cœur. Il toucha la main de sa mère en lui disant trois fois de suite, tout bas :

— Maman !

Madame Bril ne bougeait pas.

Il se pencha alors sur elle, lui prit la tête à deux mains, et, de toutes ses forces sanglotant, il cria :

— M’man ! m’man !

Madame Bril demeurait toujours immobile. Alors il se dressa, ayant froid à la moelle des os,