Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guéridon si joliment qu’on disait en les voyant : « Comment est-il possible que Jacques Keymolen puisse arrondir le bois d’une si belle manière ? » Et quand il travaillait, il prenait de la politure, y trempait ses loques de flanelle, et frottait en long, d’abord très vite et puis très doucement, jusqu’à ce que la chose qu’il frottait devînt claire comme un miroir. Ça sent bon, la politure.

— Je pense, dit alors M. Muller, que Jean doit avant tout étudier. Il sera toujours temps de lui chercher un état, quand il sera instruit.

— C’est bien dit, fit M. Lamy. Du reste, nous vivant, Jean ne manquera de rien.

— Certainement il ne manquera de rien, répliqua M. Muller. Je suis là.

— Et nous ? Je gagne de fameuses journées, allez. Jean aura tout ce qu’il lui faut.

— Non, Lamy, je gagne plus que vous. Je ne sais vraiment pas comment dépenser mon argent. C’est incroyable comme j’en gagne ! je payerai tout ce qu’il y aura à payer.

M. Lamy regarda M. Muller de côté en pensant :

— Lamy n’est pas si bête qu’on croit.


IV


Un soir du mois de septembre, Jean venait de souhaiter la bonne nuit aux Lamy. Il était dix heures, le bruit des volets qu’on fermait décroissait dans les silences de la rue.

Jean s’approcha, sur la pointe des pieds, du lit de sa